dimanche 10 juin 2018

« (…) recherchez l’unité » (Ph 2, 2b)






« (…) recherchez l’unité » (Ph 2, 2b)

            Le mot unité est composé du préfixe « Uni-. (…) issu du latin unus « un », qui s’oppose en général à l’idée de multiplicité.» (HONGRE Bruno, Le dictionnaire portatif du bachelier, Paris, Hatier, 2008, p. 675.) et du suffixe « -té » qui selon Le petit dictionnaire Larousse illustré de 2015, renvoie au « caractère ». L’unité renvoie donc à l’état de ce qui est un et pour le présent travail, celle-ci n’est pas à entendre par exemple dans le sens d’une uniformité d’ordre racial, linguistique ou culturel. Mais elle doit être comprise dans le sens de l’unité de tous les hommes, de leurs cœurs et de leurs esprits. Or, considérant notre monde actuel, nous constatons avec regret que celui-ci traverse des situations de divisions au niveau interindividuel, inter familial et entre les Etats. C’est pourquoi nous réfléchissons sur la recherche de l’unité et trouvons légitime de vivre les exigences de cet appel de l’apôtre Paul : «(…) ayez les mêmes dispositions, le même amour, les mêmes sentiments ; recherchez l’unité. » (Ph 2, 2). Dans notre analyse nous tenterons dans un premier temps, de donner des raisons justifiant une telle recherche et dans un second temps de présenter des moyens pour marcher sur la longue route de l’unité.

            I. Trois raisons légitimant la recherche de l'unité

Reconnaissance de  la fraternité universelle

Notre monde a connu et connaît des divisions en son sein. Il y a des mésententes au niveau des personnes, les croyants, les non- croyants comme au niveau des cellules familiales, des Etats et  il y a des tueries dans le monde. En témoignent  par exemple les attentats perpétrés par les terroristes. Toutes ces situations de discorde ne doivent pas demeurer ainsi ou perdurer indéfiniment. Car, nous sommes tous frères, sans exception, nous sommes nés, grandissons et vivons dans la famille terrestre. «  Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa. » (Gn 1, 27). Et Jésus d’ajouter: « Pour vous, ne vous faites pas appeler « Rabbi » : car vous n’avez qu’un maître, et tous vous êtes des frères. N’appelez personne votre « père » sur la terre : car vous n’en avez qu’un, le Père céleste. » (Mt 23, 8-9). De la lecture de ces deux passages, nous pouvons tout simplement retenir ceci : parce que nous avons été créés par le même Dieu, nous sommes ses créatures, ses enfants. Et entre nous le nom qui nous convient le mieux est celui de frères ; « (…) et tous vous êtes des frères » nous a dit Jésus. Et ce qui convient véritablement à des  frères, comme nous dit le psalmiste, c’est  « de vivre ensemble et d’être unis ! » (Ps 132, 1).  En résumé, l’acceptation du partage de la fraternité universelle par tous les hommes, chrétiens comme non-chrétiens, croyants comme non-croyants, est la base de la recherche de l’unité. Puisque nous sommes tous frères, nous devons rechercher constamment le bien de l’autre. Le bienheureux Charles de Foucauld, cet homme dont la vie exemplaire était empreinte de ce caractère universel de la fraternité disait ceci : « Tout chrétien doit regarder tout humain comme un frère bien-aimé ; (…) il a pour tout humain les sentiments du cœur de Jésus.» (Petite sœur Annie de Jésus, Charles de Foucauld. Sur les pas de Jésus de Nazareth, Nouvelle Cité, 2001, p. 114). Nous appuyant sur ces mots du bienheureux Charles de Foucauld, nous pouvons préciser que c’est non seulement le chrétien mais aussi tout homme en général qui doit avoir ce regard rempli d’amour pour son semblable, son frère. Ainsi la fraternité universelle sera véritablement vécue. Que notre fraternité et notre amitié soient de plus en plus vécues dans l’ouverture à tous nos autres frères et sœurs! Après avoir reconnu la fraternité universelle partagée par tous les hommes, nous choisissons maintenant de nous pencher sur la nécessité de l’unité de tous les chrétiens.

    L’exigence de l’unité de tous les chrétiens
La veille de sa Passion-Mort sur la croix, Jésus a prié  Son Père pour l’unité de tous ceux qui croient en Lui, ses disciples et pour ceux qui croiront en Lui: « Je ne prie pas pour eux seulement, mais aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi, afin que tous soient un. (…) Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes un : moi en eux et toi en moi, afin qu’ils soient parfaits dans l’unité, et que le monde reconnaisse que tu m’as envoyé(…) » (Jn 17, 20-23). Nous voyons bien clairement que le Christ veut l’unité des chrétiens. Pour Jésus, leur unité est un témoignage crédible, un moyen pour que le monde adhère à sa parole, croie en Lui et parvienne au salut éternel. Mais que nous apprend l’histoire de l’Eglise ? Elle nous révèle que celle-ci a connu des divisions conduisant même à des schismes. De nos jours, nous avons les Eglises catholique, orthodoxe, luthérienne, calviniste, anglicane. Nous pouvons même ajouter les églises évangélistes et les sectes chrétiennes. A ce propos, nous lisons ceci dans l’avant-propos du Décret sur l’œcuménisme: « Il est certain qu’une telle division s’oppose ouvertement à la volonté du Christ. Elle est pour le monde un objet de scandale et fait obstacle à la plus sainte des causes : la prédication de l’Evangile à toute créature.» (Documents du Concile Vatican II, Décret sur l’œcuménisme, Unitatis Redintegratio, Editions Saint-Augustin Afrique, 2012, 4e édition, p. 141). Conscients alors de la Volonté divine, des efforts sont déjà consentis par les grandes confessions chrétiennes sous l’action du Saint-Esprit, pour leur union. D’où toute l’importance du mouvement œcuménique, mouvement pour l’unité des chrétiens. Après l’exposé des fondements de la recherche de l’unité, nous essayons de répondre dans la seconde partie à la question : comment pouvons-nous réaliser ce noble idéal ?

II. Moyens en vue d’une quête de l’unité 
1        La prière
Ce projet qu’est la recherche de l’unité de tous les hommes est avant tout celui de Dieu. Ce noble projet Lui tient à cœur. Il est et fut le Premier à vouloir rétablir l’unité entre les hommes. Au moment favorable, Jésus, le Fils de Dieu et Dieu, est venu sur notre terre en devenant homme et est mort sur la Croix, « afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés. » (Jn 11, 52). Dans le but de l’imiter, un moyen qu’Il nous a montré, est la prière. Avant son sacrifice sur la Croix, de Dieu qu’Il est, Il a prié Son Père pour la réalisation de l’unité des chrétiens devant aboutir à l’unité de tous les hommes. C’est la raison pour laquelle, nous les chrétiens, nous devons avoir recours au Tout-Puissant, à la Sagesse qu’est Dieu, par la prière, pour l’accomplissement de sa volonté. Cette communion à la prière du Christ, loin d’être une substitution à la prière du Christ et une invitation à la passivité, est un engagement, une disposition des chrétiens à vivre les exigences de la Parole de Dieu, pour qu’Il réalise aussi par nous l’unité de tous : « Le Christ donne toujours à son Eglise le don de l’unité, mais l’Eglise doit toujours prier et travailler pour maintenir, renforcer et parfaire l’unité que le Christ veut pour elle. » (Cathéchisme de l’Eglise  Catholique, Editions Paulines, Côte-d’Ivoire, 2011, CEC 820). Ajoutons que ce serait une bonne chose que nous contractions cette bonne habitude pour nous adresser sans cesse à Dieu pour la paix, l’unité dans le monde dans nos prières personnelles et communautaires.

2        L’amour et ses exigences
Le deuxième moyen que nous proposons dans la quête de l’unité est l’amour. C’est le commandement de Dieu, le premier et l’ultime. Avant sa mort sur la Croix, le Christ nous a invités dans son Testament, à travers ses disciples à l’amour mutuel : «(…) comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. » (Jn 13, 34). Jésus connaît la valeur inestimable de l’amour qui a une grande force capable de réaliser l’unité du genre humain. C’est pourquoi aussi l’apôtre Paul à la suite de son Maître nous dit ceci à propos de l’amour : « (…) c’est lui qui fait l’unité dans la perfection.» (Col 3, 14). Si tous les hommes vivaient véritablement l’amour, les divisions de toutes sortes disparaîtraient et nous serions unis. Ne serait-ce qu’au nom de la fraternité universelle, tout le monde devrait aimer. En plus de cela, le vécu de l’amour est ce qui donne de la valeur à l’homme. Saint Paul, dans le bel éloge qu’il rend à l’amour, affirme : «  J’aurais beau parler toutes les langues de la terre et du ciel, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante. (…) s’il me manque l’amour, je ne suis rien. » (1 Co 13, 1-2). Reconnaissons aussi qu’aimer n’est pas toujours facile. C’est pourquoi, la fondatrice du Mouvement des Focolari , CHIARA Lubich nous dit ceci : « (…) l’art d’aimer : voilà la croix que nous devons choisir chaque jour, notre croix par excellence. » (Le secret de l’unité. L’unité et Jésus abandonné, Editions Focolari, 2002, p. 11). Cet « art d’aimer » est en effet exigent car il nous demande un effort de dépassement de notre personne. Entre autre exigences, nous avons d’abord la vie dans l’humilité. Celle-ci nous porte à respecter autrui, à le considérer à sa juste valeur : « Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits, car, je vous le dis, leurs anges dans les cieux voient sans cesse la face de mon Père qui est aux cieux. » (Mt 18, 10). Le manque de cette vertu peut être source de domination entravant ainsi la quête de l’unité. (…) n’accordez rien à l’esprit de parti, rien à la vaine gloire, mais que chacun par l’humilité estime les autres supérieurs à soi(…) » nous dit même saint Paul en Ph 2,3.
      Une autre exigence de l’amour consiste, ensuite, à cultiver l’attention envers les autres. Cette attitude nous porte non seulement à veiller sur ceux qui nous sont proches, mais surtout à aller à la rencontre des mal-aimés, des marginalisés de notre société. La recherche de l’unité inclut sans exclure personne, même ceux qui ne partagent pas forcément notre foi. Le manque d’attention dont ces personnes peuvent souffrir les empêche d’être en communion avec les autres hommes. CHIARA Lubich, à propos de ces personnes nous dit même que « le plus souvent, aiment à leur tour parce qu’elles ont été aimées. Et de là naît  à nouveau l’unité. »
(Le secret de l’unité, opere citato, p.106). Faisons attention pour ne pas tomber dans le piège de l’indifférence envers les autres,  cultivons l’attention aux autres, afin que personne ne reste en marge du mouvement vers  l’unité des hommes.
      Enfin, l’amour nous ordonne de pardonner. Dans notre marche vers l’unité, nous pouvons rencontrer des obstacles, ce qui peut faire que nous ne soyons plus en bons termes avec tels frères ou sœurs : un tort peut nous être causé ou nous pouvons faire du mal à l’autre. Dans de tels cas de désunions, ayons cette force pour aller trouver le frère ou la sœur afin de clarifier la situation si besoin est et réconcilions-nous, avec l’aide de Dieu. C’est de la grandeur que de demander  pardon, c’est de la grandeur aussi que pardonner aussi à l’autre pour le mal qu’il pourrait nous faire. Si la miséricorde de Dieu, Lui qui est la Grandeur, est infinie, qui sommes-nous pour ne pas pardonner aussi aux autres ? Dans la prière du « Notre Père », ne disons-nous à Dieu : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous offensés. » ? Avec le secours de Dieu, cultivons donc cette spontanéité à rétablir les liens de fraternité, d’amitié brisés, à nous réconcilier avec nos frères et sœurs !

3       Moyen pour l’unité des chrétiens

En plus de tout ce qui a été dit, nous pensons que la poursuite du vécu de l’ouverture entre les confessions chrétiennes, pourra sous l’action de Dieu, porter le fruit tant désiré. Cette ouverture est avant tout une disposition intérieure que ces confessions ont et doivent de plus en plus avoir, pour vivre réellement l’unité entre elles. C’est cette ouverture qui rend possible et fructueux le dialogue, visant à trouver un consensus et à l’observer réellement, grâce à Dieu. Dans ce sens, c’est elle qui rend possible la conversion du cœur : « Il n’y a pas de véritable œcuménisme sans conversion intérieure. » (Documents du Concile Vatican II, Décret sur l’œcuménisme, Unitatis Redintegratio, Editions Saint-Augustin Afrique, 2012, 4e édition, p. 148). Elle permet aussi et plus précisément le rapprochement entre les confessions chrétiennes. A ce niveau, considérons deux illustrations. Penchons-nous sur cette affirmation : « Il ne faut pas (…) oublier que les Eglises d’Orient possèdent depuis leur origine un trésor auquel l’Eglise d’Occident a puisé beaucoup d’éléments de la liturgie, de la tradition spirituelle et du droit.» (Documents du Concile Vatican II, Décret sur l’œcuménisme, Unitatis Redintegratio, Ibidem, p. 153). Dans cette assertion, nous pouvons effectivement  voir une attitude d’ouverture de l’Eglise Catholique qui accueille la complémentarité dans l’Eglise orientale. Cela est à saluer à sa juste valeur et c’est en même temps une invitation pour les autres Eglises à avoir le sens de l’objectivité pour vivre l’exigence de l’unité des chrétiens voulue par le Christ. La seconde illustration nous fera voir une autre posture d’ouverture des Catholiques, des Anglicans, des Luthériens et des Orthodoxes. Ce Mouvement providentiel qu’est celui des Focolari (Mouvement chrétien, né en 1943 dans la ville de Trente en Italie, avec l’unité pour charisme. Ses adhérents cherchent à vivre la volonté du Christ (« Que tous, ils  soient un » Cf. Jn 17, 21) et à contribuer à la faire vivre par tous les hommes.), contribuant grandement à l’accomplissement de l’exigence de l’unité voulue par le Christ, se présente comme un instrument de rapprochement et d’ouverture des confessions chrétiennes. Leur fondatrice nous dit en effet ceci : « Alors qu’auparavant il n’était que dans l’Eglise Catholique, le Mouvement, désormais, pénètre une grande partie de la chrétienté et tous cherchent à en vivre l’esprit autant que possible et comme ils le comprennent.» (CHIARA Lubich, Que tous soient un. Genèse de la spiritualité de l’Unité, Editions Focolari, Côte-d’Ivoire 1998, p. 25).Le bon accueil que réservent les Anglicans, les Luthériens, les Orthodoxes, à ce Mouvement, né dans l’Eglise Catholique, s’ouvrant à elles, témoigne donc de l’attitude d’ouverture qu’ont déjà ces confessions. Notre souhait est que cet esprit d’ouverture dont elles font déjà montre, soit de plus en plus vécu pour que l’unité des chrétiens soit une réalité !


Conclusion
Au terme de notre analyse sur la légitimité de la recherche de l’unité des hommes,  nous retenons que d’une part, nous avons exposé les fondements d’une telle recherche avant de proposer d’autre part des moyens pour son bon aboutissement. Loin de nous cette pensée d’avoir épuisé la réflexion sur cette question. C’est pourquoi, nous pouvons nous poser entre autres questions : pourrons-nous vraiment achever la construction de cet  édifice de l’unité, lorsque certains semblent s’évertuer à la déconstruire ? Tout le monde vit-il la fraternité universelle, si non comment agir envers eux ? Nous pensons par exemple à ceux qui sont appelés terroristes et qui tuent même leurs frères. La recherche de l’unité peut sembler donc être un travail de perpétuel recommencement. Ce qui est sûr, rien ne doit nous empêcher d’aimer l’autre ! Et dans la quête de l’unité, nous devons toujours compter sur le Seigneur qui nous a dit: « hors de moi vous ne pouvez rien faire. » (Jn 15, 5)


Sources

- CHIARA Lubich, Le secret de l’unité. L’unité et Jésus abandonné, Editions Focolari, Côte-
   d’Ivoire, 2002.
-CHIARA Lubich, Que tous soient un. Genèse de la spiritualité de l’Unité, Editions Focolari,
  Côte-d’Ivoire, 1998.
-HONGRE Bruno, Le dictionnaire portatif du bachelier, Hatier, Paris, 2008.
-Petite sœur Annie de Jésus, Charles de Foucauld. Sur les pas de Jésus de Nazareth,
  Nouvelle Cité, 2001.
-Cathéchisme de l’Eglise Catholique, Editions Paulines, Côte-d’Ivoire, 2011.
-Documents du Concile Vatican II, Décret sur l’œcuménisme, Unitatis Redintegratio,
 Editions Saint-Augustin Afrique, 4e édition, 2012.
-La Bible de Jérusalem, Les Editions du Cerf/ Verbum Bible, 2001.
- Nouveau Testament et Psaumes, AELF, Editions de l’Emmanuel, Paris, 1993.

                                                                                                                       
                                                                                                              KIEMA Séraphin
                                                                                                             3ème année de philosophie

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